vendredi 19 avril 2024

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Mauguin à l’Inra : une nomination façon « 49-3 »

La proposition de François Hollande de nommer Philippe Mauguin, directeur de cabinet de Stéphane Le Foll, à la présidence de l’Inra est mal perçue par le monde de la recherche.

Le président de la République « envisage de nommer Philippe Mauguin en qualité de président de l’Institut national de la recherche agronomique » : le communiqué de l’Elysée est tombé le 4 juillet, donnant ainsi un coup d’accélérateur à une nomination qui fait des remous depuis plusieurs mois. Un coup d’accélérateur soigneusement préparé par le pouvoir. Le 28 juin, le Journal officiel publiait l’arrêté, daté du 14 juin, portant nomination des membres de la commission d’examen des candidatures à la présidence de l’Inra, cette commission étant présidée par Laurence Tubiana * (cf. notre Blog du 4 juillet). Le 1er juillet, cette commission se réunissait et auditionnait les deux candidats, François Houiller actuel président de l’Inra et Philippe Mauguin, directeur de cabinet de Stéphane le Foll. Elle a dû rapidement se faire une opinion et transmettre le fruit de ses cogitations, puisque donc, dès le 4 juillet (soit 3 jours dont un week-end plus tard !), l’Elysée pouvait publier le communiqué cité. On a connu l’Etat plus lent… Si la candidature de Philippe Mauguin était connue depuis longtemps, sa nomination passe mal. Une pétition, adressée au président de la République, a été mise en ligne par un « collectif des personnels Inra et des partenaires » sur le site change.org. Lundi matin, elle avait dépassé les 2600 soutiens. Du coté de l’Académie d’Agriculture (qui ne prend pas position officiellement), on se plait à rappeler que la section 8 de l’Académie avait eu à débattre il y a quelques mois de la candidature de Philippe Mauguin et qu’elle avait été refusée. Enfin, Frédéric Dardel président du conseil scientifique de l’Inra, et par ailleurs président de l’Université Paris-Descartes Paris V, a démissionné de la présidence de ce conseil. « Je considère que la présidence d’un grand établissement comme l’Inra ne peut être assurée que par une personnalité scientifique reconnue » écrit-il dans sa lettre de démission. « Je pense aussi qu’il y a des choses à dire sur les conditions de cette nomination au regard du poste actuel détenu par le candidat ». De son coté, Stéphane le Foll a été interrogé le 6 juillet dans le cadre des questions d’actualité de l’Assemblée nationale, par le député (LR) de Patrick Hetzel. Ce dernier a dénoncé le fait que le gouvernement privilégiait « le copinage plutôt que les compétences ». Il met en avant le fait que Philippe Mauguin ne soit pas titulaire d’un doctorat. Patrick Hetzel estime par ailleurs que la nomination d’« un directeur de cabinet en exercice candidat à la tête d’un établissement public dont il assure par ailleurs la tutelle par délégation directe du ministre est en situation caractérisée de conflit d’intérêts ». « De nombreux directeurs de cabinet ont été nommés à la direction d’institutions de recherche. Sur le plan juridique, rien ne justifie votre argument » a répondu Stéphane le Foll. « Une commission d’experts incontestables s’est réunie et a étudié les dossiers des deux candidats. Leur rapport, pour la première fois, sera transmis par le secrétariat général aux présidents des commissions de chaque assemblée qui statueront sur la candidature » a-t-il ajouté. Philippe Mauguin devrait être auditionné par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ce mercredi 13 juin. Mais, selon le JDD (11 juillet), le Sénat pourrait refuser d’organiser cette audition (elle était toujours inscrite à l’ordre du jour lundi matin). Et la quasi-totalité des députés et sénateurs LR et UDI a adressé une lettre à François Hollande ajoute l’hebdomadaire. Selon certaines informations, à moins que la fronde ne prenne trop d’ampleurs, la nomination de Philippe Mauguin pourrait se faire au Conseil des ministres du 20 juillet.

 * : cela n’a certainement rien à voir, Laurence Tubiana a été reconduite à la présidence du Conseil d’administration de l’Agence Française de Développement (AFD) le 7 juillet.