jeudi 18 avril 2024

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Loi Sapin 2 : de nombreuses dispositions « agricoles » invalidées par le Conseil constitutionnel

L’essentiel de la loi Sapin 2 a été validée par le Conseil constitutionnel. Mais de nombreuses dispositions concernant l’agriculture ont été censurées.

Stéphane Le Foll « se félicite de la validation par le Conseil constitutionnel de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption, et à la modernisation de la vie économique* qui permet des avancées importantes pour les agriculteurs » peut-on lire dans un communiqué du ministère de l’Agriculture. Certes, la loi est en partie validée. Mais il est très rare que le Conseil retoque l’intégralité d’une loi. Certes encore, les dispositions initiales concernant les relations entre l’agriculture et la distribution, la contractualisation, la formation des prix sont validées. Et le ministre peut s’en féliciter. Même s’il peut paraître un peu rapide d’affirmer que « la loi permettra d’assurer une meilleure répartition de la valeur au sein de la filière alimentaire, grâce à des relations commerciales plus transparentes et à une contractualisation rénovée ». « Pour les filières soumises à contractualisation écrite obligatoire (lait de vache, fruits et légumes…), la mise en place d’un accord-cadre, entre les acheteurs (transformateurs) et les organisations de producteurs (OP) ou associations de producteurs (AOP) rééquilibrera le rapport de force » poursuit le communiqué du ministère. L’expérience de la contractualisation, au moins pour le secteur des fruits et légumes, oblige à modérer cet enthousiasme. D’autres dispositions sont validées comme l’indication obligatoire dans les contrats du « prix prévisionnel moyen » payé aux producteurs ou encore une mesure spécifique au secteur laitier. Ces éléments de la loi n’ont pas été censurés : le Conseil n’avait d’ailleurs pas été saisi sur ces articles. Mais de nombreuses dispositions concernant l’agriculture ont été annulées. Les plus importantes concernent les dispositions voulues par les Safer. Souvenons-nous, il s’agissait de lutter contre la prise de contrôle des terres agricoles par des capitaux étrangers (comme récemment dans l’Indre par des capitaux chinois). Le Conseil considère qu’il s’agissait d’un « cavalier » législatif, c’est-à-dire qu’il n’avait rien à voir avec l’objet de la loi. Les 5 articles concernés (87 à 91) sont donc annulés. Point positif, le principe n’est, à priori, pas remis en cause. Il conviendra donc de déposer un autre texte. De nombreux autres « cavaliers » agricoles ont été mis à terre par le Conseil. Nous en avons repéré plusieurs : l’article 92 sur la publication annuelle d’un barème de la valeur vénale des terres agricoles ; l’article 93 qui raccourcit, sous certaines conditions, le délai de préavis pour mettre fin à la concession de terres à usages agricoles ; l’article 97 qui impose aux chambres d’agriculture de publier les procès-verbaux de leurs séances ; l’article 112 qui étend aux exploitations agricoles à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique dirigeant cette exploitation, le bénéfice du régime fiscal des micro- bénéfices agricoles. Tous ces articles (et la liste n’est peut-être pas exhaustive) ont été rejetés. Bref, la loi est validée, mais en partie… Les parlementaires, les organisations professionnelles, et en l’occurrence les organisations professionnelles agricoles, devraient à l’avenir tenir compte de ce fait : ce n’est pas la première fois que le Conseil constitutionnel fait part de son allergie aux cavaliers législatifs. Notons enfin que le Conseil constate que le projet de loi déposé par le Gouvernement contenait 57 articles. Celui adopté par le Parlement en comptait 169. Il faudra s’en souvenir quand, dans les campagnes électorales à venir, les hommes politiques dénonceront « l’inflation législative »…

 

* dite loi Sapin 2