jeudi 28 mars 2024

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Environnement : une réforme constitutionnelle inutile et dangereuse

Le Conseil d’Etat juge sévèrement le projet de loi constitutionnelle sur la protection de l’environnement. La formulation retenue imposerait une « obligation de résultat » à l’Etat et aux collectivités locales.

Le projet de loi constitutionnelle qui veut intégrer la protection de l’environnement dans la Constitution a été présenté le 20 janvier en Conseil des ministres. Il a auparavant été examiné à loupe par le Conseil d’Etat. Dès le début de son avis, le Conseil, laissant poindre une certaine lassitude, rappelle qu’ « il s’agit du troisième projet de réforme constitutionnelle portant sur la question environnementale soumis au Conseil d’Etat en un peu plus de trois années ». Les deux premiers projets n’ont pas abouti…
Le texte propose d’inscrire dans l’article 1er de la Constitution que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique », une formulation directement reprise du résultat des travaux des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC).
 Pourtant, « le principe de protection de l’environnement occupe déjà la plus haute place dans la hiérarchie des normes, rappelle le Conseil. Il est en effet inscrit dans la Charte de l’environnement (…) mentionnée dans le Préambule de la Constitution, aux côtés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du Préambule de la Constitution de 1946. La Charte est ainsi partie intégrante du bloc de constitutionnalité ». « La cause environnementale fait l’objet d’un contrôle juridictionnel de plus en plus poussé, tant du juge constitutionnel que des juges administratif ou judiciaire, européen et international » ajoute le Conseil. Bref, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Revenant sur i l’inscription de la préoccupation environnementale à l’article 1er de la Constitution, le Conseil reconnaît qu’elle « revêt une portée symbolique qui ne peut être ignorée » mais « elle ne lui confère, par elle-même, aucune prééminence d’ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles ». Ce texte n’apporterait donc pas grand chose de plus, sauf sur un point. Le Conseil s’inquiète de la formule retenue, et notamment de l’utilisation du verbe garantir. Le terme « garantit » s’imposerait « aux pouvoirs publics nationaux et locaux dans leur action nationale et internationale ». « En prévoyant que la France ‘garantit’ la préservation de la biodiversité et de l’environnement, le projet imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d’être plus lourdes et imprévisibles » que ce qui est prévue par la Charte de l’environnement. Le Conseil suggère de préférer le verbe ‘préserver’ à ‘garantir’.
Le Gouvernement n’a tenu aucun compte de l’avis du Conseil d’Etat et a conservé la version originale du texte.
Avant d’être soumis à référendum, ce qui est la volonté du président de la République, le texte doit être adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce qui est loin d’être gagné. Si la proposition de loi est toutefois adoptée, Emmanuel Macron prendra-t-il le risque d’organiser un référendum à l’automne, à quelques mois de la présidentielle ?
OM