vendredi 29 mars 2024

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Souveraineté alimentaire : le match est loin d’être gagné

Depuis mai 2022, le ministre de l’Agriculture est aussi celui de la Souveraineté alimentaire. Un intitulé perçu comme un signe fort par le monde agricole. Mais la France reste aussi « souveraine » dans la surtransposition, les tracasseries, l’agribashing… Le point (dans le désordre) après 8 mois.

 

Il y a le sujet de l’interdiction des emballages plastiques pour les colis de fruits et légumes frais de moins de 1,5 kg. Une initiative politique nationale, qui ne s’appliquerait qu’aux f&l français. Le décret d’application a été annulé par le Conseil d’Etat. Qu’a cela ne tienne, un nouveau décret a été rédigé et soumis à Bruxelles. De son côté, la Commission européenne prépare un règlement communautaire qui pourrait entrer en application en 2024. La France pourrait alors attendre. « Si nous avons rédigé un nouveau décret, ce n’est pas pour attendre » a expliqué Marc Fesneau en répondant à notre question au Sival.
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La filière fécule est l’une des rares filières agricoles exportatrices. De plus, le secteur est hautement stratégique, la fécule étant utilisée dans de nombreux secteurs de l’industrie, et notamment l’industrie pharmaceutique. Elle est en difficulté car pas assez compétitive par rapport à d’autres cultures. Son interprofession (GIPT) demande 500 €/ha de pommes de terre féculières, soit une enveloppe globale de 8 à 9 millions d’euros/an pour 2023 et 2024. Pas de réponse.
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La cerise est victime depuis de nombreuses années d’une mouche, la Drosophila suzukii. Les molécules permettant de lutter contre cet insecte ont été interdites les unes après les autres, la dernière a vu son interdiction confirmée à la fin de l’année. Interpellé, le ministre propose d’indemniser les producteurs. Pendant ce temps, les cerises turques (souvent traitées au diméthoate, la principale molécule interdite) pourront conquérir le marché Français. Marc Fesneau s’engage à utiliser la clause de sauvegarde, mais son usage n’est pas simple.
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La betterave a besoin de néonicotinoïdes pour se protéger contre la jaunisse. Au terme d’un imbroglio politique, administratif et judiciaire, la France renonce à cet usage, devenant le seul pays au monde à interdire totalement ce type de produit. La filière betterave est une filière d’excellence, tant pis.
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Le label Haute Valeur Environnementale (HVE) a été créé par le ministre (PS) de l’Agriculture Stéphane Le Foll. La majorité de l’époque était, rappelons-le, une coalition avec notamment le PS et les Verts. HVE est une réponse intelligente, utile, lisible pour mettre en place le principe de l’agro-écologie. Le Label fonctionne parfaitement et gagne tous les ans de nouveaux adeptes dans de nouveaux secteurs agricoles. Ca fonctionne : ce n’est pas normal. Durcissons les règles pour ce Label. Ce n’est pas assez estime une partie de la filière bio, qui préfère, au lieu de se remettre en question, attaquer les autres agricultures. La FNAB et le Synabio, entre autres, ont saisi le Conseil d’Etat.
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Allez, l’agriculture française marque aussi des buts. Les lois Egalim fonctionnent, au moins pour certaines filières et ont permis de renforcer le revenu de producteurs aux dires même de ces filières. Ca vaut un but. Il y a aussi le Varenne de l’eau qui va dans le bon sens et que le Gouvernement semble vouloir appliquer à la lettre. « Il n’y a pas d’agriculture sans eau » ont répété l’un après l’autre les ministres de l’Agriculture et de l’Ecologie. 1 but aussi.
Souveraineté alimentaire française 2, Reste du monde 5 ;

Et maintenant ? Considérons que nous sommes à la mi-temps. Marc Fesneau doit présenter au Salon de l’Agriculture le plan de souveraineté fruits, légumes et pommes de terre frais. Il y a aussi le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles en juin prochain. Quelques mois pour remonter au score.

* L’équipe reste du monde est composée des administrations nationales et européennes (guidées par les Gouvernements), les Gouvernements, les ONG environnementalistes, …